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L’écobuage : une technique méconnue et un nouveau modèle pour l’archéologie agraire

L’identification des techniques agricoles, et plus précisément des méthodes de préparation du champ des agricultures anciennes, est délicate. Généralement, elles ne peuvent qu’être déduites à partir de divers indices archéologiques intra-sites et de données paléo-environnementales hors-sites. Un des modèles de systèmes agraires qui est souvent présumé pour les sociétés néolithiques européennes, est celui de l’abattis-brûlis. Il s’agit d’une technique d’agriculture, qui vise à préparer une parcelle temporaire en forêt, par l’emploi d’un feu courant. Cependant, bien que le feu engendre des produits qui peuvent perdurer à l’échelle plurimillénaire dans les archives pédo-sédimentaires, il est le plus souvent très difficile d’arriver à dissocier les évènements de feu d’origines naturelles de ceux anthropiques.

Parallèlement, on recense dans la littérature archéologique préventive de fréquentes mentions de traces laissées par le passage du feu qui, dans certains cas, correspondraient à des déboisements anthropiques menés dans un objectif agro-pastoral. L’origine de ces traces, mentionnées comme des « foyers de déforestation » ou des « chablis brûlés », pose question.

 

Exemple de couche de terre brûlée rougeâtre dans les séquences argileuses en périphérie du lac de Chalain (Jura, Bourgogne-Franche-Comté ; © Clément Menbrivès, fouille programmée dans le cadre du PCR coordonné par Chr. Petit et H. Richard)

 

Nous présenterons les résultats des analyses géoarchéologiques et archéométriques (XRF, DRX, micromorphologie, spectrocolorimétrie, cuissons expérimentales) de plusieurs couches de terre brûlées apparentées à ces phénomènes. Nous concluons que ces traces sont pour l’essentiel des résidus de matériaux en terre d’origine locale, cuits en atmosphère oxydante (rubéfiante) dans des structures de combustion à couvert, en élévation, ayant été redéposés non loin de leur lieu de production. Ces résidus sont remaniés par des travaux aratoires et affectés par des processus post-dépositionnels qui complexifient l’organisation et l’apparence de ces dépôts, et en conséquence leur compréhension.

Nous réfutons l’hypothèse dite des « foyers d’essartages » et nous interprétons ces couches brûlées comme les vestiges de fourneaux en terre résultant de pratiques d’écobuages (Portères, 1972 ; Sigaut, 1975). Ces couches sont les témoins primaires d’un système agricole singulier, identifié dès le Néolithique, qui vise à cultiver les terres argileuses de bas-fonds humides.

 

Références bibliographiques :

Portères R. (1972) – De l’écobuage comme un système mixte de culture et de production, Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée, 19(6), 151‑207.

Sigaut F. (1975) – L’agriculture et le feu. Rôle et place du feu dans les techniques de préparation du champ de l’ancienne agriculture européenne, École des Hautes Études en Sciences Sociales et Mouton & Co., Cahiers des études rurales I, Paris, La Haye.

 

Intervenant : Clément Menbrivès, docteur ès Archéologie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Équipe Archéologies environnementales (30 septembre 2024). L’écobuage : une technique méconnue et un nouveau modèle pour l’archéologie agraire. Équipe Archéologies Environnementales - UMR 7041. Consulté le 25 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12dzm


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